Le soleil brillait et nous avions décidé de faire une petite randonnée raquettes pour occuper notre après-midi. Trois demi-journées de ski avaient largement suffit à mon mari et mes enfants. J’ai décidé de ne plus skier depuis que mes genoux semblent bien rouillés. Inutile de souffrir. La beauté des paysages de montagnes enneigées en sirotant mon cappuccino me ravit amplement.
Mes fils ne souhaitaient pas suivre le chemin balisé. Pas assez d’aventure selon eux. Les 3 hommes de la famille ont donc choisi de faire leur rando raquettes hors des sentiers, tout en suivant un guide de loin.
Avec ma fille, nous avons choisi de suivre sagement le chemin tout tracé. Alors quand je me suis aperçue que les garçons étaient partis avec le sac à dos et donc avec l’eau et quelques gâteaux, cela ne m’a pas inquiétée. Ma fille râlait un peu. Elle avait déjà faim. Elle a toujours faim ou sommeil.
Tout au long du trajet, nous avons parlé, ri, admiré. Nous avons écrit et dessiné dans la neige, avons imaginé que nous étions dans un jeu vidéo quand il a fallu passer entre les skieurs gravissant une côte en tire-fesse. Il fallait bien choisir son moment.
J’ai parfois moi-même bien transpiré et souffert quand la montée était plutôt pentue. Nous passions un excellent moment. Puis nous avons croisé un groupe de randonneuses, qui, comme nous, atteignaient le point annonçant le retour. Une vue magnifique que nous avons contemplée durant de longues minutes, sans eau ni gouter, contrairement aux randonneuses. J’en ai profité pour envoyer une petite photo à mon mari. Il m’assurait avoir une vue encore plus belle de son côté. Comme nous, ils allaient faire demi-tour.
Ma fille aurait voulu poursuivre tout droit mais nous n’avions pas le temps. Il fallait rebrousser chemin. Il fallait arriver avant l’heure de fermeture des télécabines. D’après le panneau, nous en avions pour 30 minutes de marche. Nous avions 20 minutes de marge. C’était bien assez.
Sur le plan, il était indiqué que nous pouvions retourner à la station en longeant la piste bleue. Ma fille n’ayant pas envie de faire le même chemin, nous avons suivi les panneaux bleus.
La piste descendait, descendait … mes genoux commençaient à avoir du mal à accuser le coup. Le chemin balisé commençait à s’éloigner fortement. Nous sommes passées à côté du départ du téléski. Un corbeau a croassé très fort. Pour rire, j’ai dit qu’il nous envisageait comme dîner.
Soudain, j’ai été prise d’un gros doute. J’ai regardé mon GPS sur smartphone. Il nous localisait en Suisse et loin de la station. La nuit tombait. Etions-nous sur la bonne piste, sur le bon chemin ?
J’ai annoncé à ma fille que je préférais faire demi tour par précaution et retrouver le chemin tracé. Elle a soufflé parce que vraiment ça nous faisait remonter toute la piste. Puis à un moment nous avons croisé des skieurs et je savais qu’ils parlaient français, je les avais entendus. Je leur ai demandé si dans cette direction nous arrivions bien à côté des télécabines. Il m’a répondu :
« On espère bien, nous avons les enfants à récupérer ! »
L’espoir est revenu dans mon cœur et nous n’avons pas rebroussé chemin. Nous avons continué à marcher au milieu des grands arbres. Ma fille avait mal derrière le talon, ses après-ski frottaient.
Quand nous sommes arrivées au bout du chemin, j’ai cru que j’allais m’effondrer. J’aurais pu me laisser tomber à genoux dans la neige. Face à nous se trouvait une remontée en tire-fesses. Pour retourner à notre point de départ, il fallait un forfait et prendre le tire-fesses.
Nous n’avions pas de forfait et surtout nous avions des raquettes aux pieds, pas des skis.
Une seule solution s’offrait à nous : retourner à la piste balisée et donc remonter toute la piste bleue. Mais surtout, il fallait courir ! Il était presque 17h, heure de fermeture des télécabines.
Nous avons repris notre marche de façon accélérée. Malheureusement, je n’ai aucun cardio et mes genoux n’en pouvaient plus. Vraiment plus. Je donnais tout, je n’avais plus de souffle. Désespérée j’ai envoyé un message à mon mari en disant que nous étions perdue et que nous ne serions pas là à l’heure. Mais il n’y avait aucun réseau. Je me voyais déjà passé la nuit dans la neige avec ma fille, sans eau ni nourriture.
Une lueur d’espoir est née en moi quand j’ai vu un saisonnier en bas du tire-fesses sur le chemin. Je me disais qu’il pourrait appeler des secouristes et qu’on retournerait à la station en motoneige. Il n’en fût rien. Il m’a juste conseillé de courir. J’ai regardé la montée et j’ai eu envie de pleurer. Comment pouvait-il être aussi insensible devant une femme rouge comme une pivoine et n’ayant plus de souffle pour parler ?
Il faut savoir que je ne m’avoue jamais vaincue. Nous allons remonter cette piste et retrouver le reste de la famille quoiqu’il en coûte !
Nous avons donc entrepris de remonter cette piste interminable. Je faisais une pause toutes les 2 minutes pendant que ma fille m’encourageait avec des « Maman, tu peux le faire, tu es forte, tu vas y arriver ! ». J’ai lutté pour ne pas faire un malaise.
Il était 17h. Nous étions encore loin mais nous avons continué. Quand on a retrouvé le chemin balisé et que le terrain est devenu plat, la marche fut moins compliquée mais douloureuse tout de même. Mes genoux me faisaient boîter.
En passant devant un chalet faisant gite, je me suis dit qu’ils seraient bien obligés de nous accueillir si nous ne pouvions redescendre en ville.
Puis finalement, nous sommes arrivées à côté des télécabines vers 17h15 ou 20. Mon mari nous attendait, inquiet. Il avait prévenu quelques secouristes au cas où ne ne revenions pas. Il y avait tellement de skieurs ce jour là que les télécabines tournaient encore. Nous avons pris l’une des dernières, avec les moniteurs de la station.
Ce fut un gros coup de stress pour tout le monde. Comme quoi, on peut suivre les chemins balisés et se perdre.